Le Massif du Vercors : forteresse alpine entre histoire, biodiversité et terroir d’exception

Géologie d’un bastion naturel et premières conquêtes alpines


Le Vercors se présente comme une forteresse naturelle formée par les soubresauts de la Terre sur des millions d’années. Ses falaises calcaires vertigineuses et ses hauts plateaux résultent d’une longue histoire géologique entamée il y a plus de 200 millions d’années, lorsque la région était recouverte par une mer tropicale peu profonde . À l’ère jurassique et crétacée, d’épaisses couches de calcaire et de marnes se déposent au fond de cet océan peuplé de coraux et de mollusques, emprisonnant fossiles et minéraux dans un empilement rocheux de plusieurs centaines de mètres d’épaisseur . Bien plus tard, vers 23 millions d’années avant notre ère, la collision entre les plaques africaine et européenne soulève et plisse ces strates sédimentaires lors de la formation des Alpes : le Vercors émerge des eaux et s’élève de plus de 1000 mètres, prenant la forme d’un vaste plateau plissé et fracturé . Enfin, pendant les glaciations du Quaternaire (il y a 2 millions à 10 000 ans), les glaciers et les rivières achèvent de sculpter le relief. L’érosion creuse de profondes gorges et détache certains sommets, donnant naissance à des sites spectaculaires comme la combe Laval ou le cirque d’Archiane . Cette évolution forge un paysage contrasté, fait de crêtes acérées et de vallons secrets, véritable ossature du milieu naturel actuel.

Au cœur de ce dispositif géologique, le massif du Vercors apparaît aujourd’hui comme un plateau triangulaire cerné de falaises pouvant dépasser 300 m de haut, difficilement franchissables – d’où son surnom de « forteresse imprenable »  . Son altitude varie d’environ 180 m dans les gorges de l’Isère à 2 341 m au Grand Veymont, point culminant du massif . Le mont Aiguille, piton rocheux tabulaire isolé au sud-est, illustre parfaitement cette géomorphologie spectaculaire. Détaché du plateau par l’érosion glaciaire, ce monolithe de calcaire (2 087 m) fut longtemps considéré comme « montagne inaccessible ». Sa première ascension en 1492 par Antoine de Ville, réalisée par ordre du roi Charles VIII, est d’ailleurs souvent citée comme l’acte de naissance de l’alpinisme  . Aujourd’hui encore, le mont Aiguille fascine grimpeurs et randonneurs par sa silhouette immense dressée dans le ciel azur du Dauphiné.

Le Vercors est également un paradis souterrain. Constituant l’un des plus vastes plateaux karstiques des Préalpes, il renferme un dédale de cavernes et de gouffres parmi les plus profonds de France. Le célèbre Gouffre Berger, découvert en 1953, fut le premier à dépasser les –1 000 m de profondeur explorés par l’homme . Non loin, la grotte de Choranche déploie un réseau de galeries calcaires ornées de stalactites fines (surnommées « fistuleuses »), témoignages géologiques d’un travail de l’eau millénaire. Ce vaste milieu karstique explique la relative rareté des cours d’eau de surface sur les plateaux : l’eau s’infiltre dans les fissures et chemine en profondeur, ressurgissant en contreforts sous forme de résurgences ou de sources parfois spectaculaires. Falaises, grottes, gorges et plateaux composent ainsi un ensemble géologique unique, dont la variété n’a d’égale que celle des paysages et habitats naturels que le massif abrite .

Un haut lieu de la Résistance et des traditions montagnardes

L’isolement naturel du Vercors a profondément marqué son histoire humaine, faisant du massif un refuge autant qu’un défi. Durant des siècles, les villages perchés et hameaux du Vercors ont vécu en relative autarcie, pratiquant l’agropastoralisme et développant des savoir-faire adaptés à ce milieu de moyenne montagne. Au Moyen Âge déjà, le terroir du Vercors était réputé pour son fromage bleu persillé, affiné dans les fermes d’altitude. Les archives rapportent qu’au XIV^e siècle les paysans du plateau payaient une partie de leurs redevances seigneuriales en meules de Bleu de Sassenage, ancêtre du Bleu du Vercors-Sassenage AOP . Ce fromage, toujours produit de nos jours dans une trentaine de communes du massif, perpétue la tradition d’une agriculture de montagne de qualité – il a obtenu une AOC en 1998 et une AOP européenne en 2001 . De même, le Vercors a maintenu jusqu’au XX^e siècle une race bovine locale adaptée à ses pâturages, la Villarde (vache de Villard-de-Lans), qui a failli disparaître avant d’être sauvegardée grâce aux efforts des éleveurs et au cahier des charges de l’AOP fromage local imposant le maintien de ces vaches rustiques dans les troupeaux . Ces traditions montagnardes – élevage, fabrication fromagère, exploitation raisonnée de la forêt – ont façonné les paysages en terrasses et clairières et font partie intégrante de l’identité culturelle alpine du Vercors.

C’est toutefois durant la Seconde Guerre mondiale que le Vercors est entré avec fracas dans l’Histoire nationale. Sa topographie de plateau encerclé de falaises en a fait un bastion de la Résistance française. En 1943-1944, des centaines puis des milliers de maquisards se regroupent sur le massif, profitant de sa relative inaccessibilité pour y établir un refuge libéré de l’Occupation. Après le Débarquement de juin 1944, le Vercors se proclame même « République libre » et arbore le drapeau tricolore sur ses crêtes, acte de défi visible depuis Grenoble . Hélas, en juillet 1944, les Allemands lancent l’opération Bettina, la plus vaste offensive menée contre un maquis en France : près de 10 000 soldats nazis appuyés par des parachutistes envahissent le plateau du Vercors le 21 juillet 1944 . S’ensuivent des combats acharnés et des représailles terribles dans les villages (Vassieux-en-Vercors est rasé par un bombardement, La Chapelle-en-Vercors le théâtre d’exécutions d’otages). Le bilan est tragique : environ 800 morts, dont 639 résistants et 201 civils, ainsi que plus de 570 bâtiments détruits . La chute héroïque du maquis du Vercors – symbole de courage et de sacrifice – marque à jamais la mémoire du massif. De nombreux sites et nécropoles (à Vassieux, Saint-Nizier, La Chapelle…) perpétuent aujourd’hui le souvenir de ces événements. Parcourir le Vercors, c’est donc aussi marcher sur les traces de l’histoire de la Résistance, en croisant stèles, musées et monuments commémoratifs qui jalonnent le territoire.

Malgré ces drames, le Vercors a su préserver son mode de vie montagnard et l’essence de ses traditions. Le pastoralisme notamment reste vivace : « Le Vercors est une terre de pastoralisme depuis plus de 1000 ans. Patrimoniale, cette pratique est au fondement de l’identité et des paysages du Vercors » souligne le Parc naturel régional . Chaque été, les troupeaux ovins et bovins montent aux alpages d’altitude, perpétuant la transhumance qui relie Provence et Alpes depuis des siècles. Les bergers et éleveurs, garants d’un savoir-faire ancestral, contribuent à l’entretien des paysages ouverts (prairies fleuries, pelouses d’altitude) et à la transmission d’une riche culture agropastorale. Fêtes agricoles et foires aux bestiaux rythment encore la vie de certaines communes, témoignant de cet attachement aux traditions rurales. Parallèlement, le Vercors a développé dès les années 1960 une conscience avant-gardiste de protection de son patrimoine naturel et culturel : création du Parc naturel régional du Vercors en 1970, puis en 1985 de la Réserve naturelle des Hauts-Plateaux (la plus grande de France métropolitaine avec 17 000 ha) . Ces initiatives ont permis de concilier préservation de l’environnement, maintien des activités locales et ouverture au public via un écotourisme maîtrisé.

Climat et environnement : un carrefour d’influences unique

Si le Vercors est si riche en biodiversité, c’est en partie grâce à sa situation géographique à la croisée de plusieurs influences climatiques. Le massif, étendu à cheval sur les départements de l’Isère et de la Drôme, reçoit à la fois des influences continentales (hivers froids), océaniques (précipitations modérées), alpines (fraîcheur d’altitude) et méditerranéennes (étés chauds et secs sur les adrets du sud) . Cette convergence climatique se conjugue aux différences d’altitude pour engendrer une mosaïque de microclimats locaux. Ainsi, le versant méridional du Vercors, baigné de soleil, voit pousser une végétation presque provençale : lavandes, thym, romarin sauvage embaument les coteaux arides où chantent les cigales en été . Sur ces pentes du Diois, on peut rencontrer côte à côte le thym commun typiquement méditerranéen et l’edelweiss, fleur emblématique des hautes montagnes alpines, illustrant la coexistence étonnante de flores contrastées sur un même territoire . À plus haute altitude, sur les plateaux d’accès difficile, le climat montagnard règne avec de longs hivers enneigés et des étés frais. Les forêts d’épicéas, de hêtres et surtout de pins à crochet (spécialistes des sols calcaires d’altitude) y couvrent de vastes étendues. D’ailleurs, la réserve des Hauts-Plateaux abrite la plus grande pineraie à crochets des Alpes calcaires, témoignant d’une excellence écosystémique unique .

Ce milieu naturel préservé se caractérise par une grande variété d’habitats : falaises et éboulis, grottes et cavités, forêts subalpines, pelouses alpines, zones humides (tourbières d’altitude, rares sur ce plateau karstique), et même landes semi-arides sur les rebords sud. Chacun de ces milieux abrite des espèces adaptées. Par exemple, les falaises calcaires ensoleillées du Vercors sont le royaume du tichodrome échelette, petit oiseau grimpeur aux ailes rouges, et du bouquetin des Alpes réintroduit dans le massif dans les années 1980 après en avoir disparu. Les prairies fleuries des vallons hébergent une profusion de papillons et d’orthoptères, tandis que les sous-bois abritent cerfs, chevreuils, sangliers et discrets tétras-lyres (coqs de bruyère), l’un des symboles faunistiques du Parc naturel régional  . En tout, on recense 72 espèces de mammifères (dont le loup revenu naturellement depuis les années 1990, et le lynx boréal aperçu épisodiquement), 140 espèces d’oiseaux nicheurs (dont l’aigle royal, le hibou grand-duc et plusieurs espèces de chouettes forestières) ainsi qu’une trentaine de reptiles et amphibiens sur l’ensemble du Vercors . Le ciel du Vercors est depuis peu sillonné par de grands rapaces charognards : le vautour fauve et le gypaète barbu ont été réintroduits avec succès et planent désormais au-dessus des crêtes, jouant leur rôle d’équarrisseurs naturels .

Du côté de la flore, la richesse est tout aussi remarquable. Le Vercors compte environ 1 800 espèces végétales recensées, dont 85 protégées au niveau régional ou national . C’est l’un des massifs préalpins les plus riches de France en diversité botanique. On y trouve 79 espèces d’orchidées sauvages différentes , du sabot-de-Vénus à la rare orchis de Spitzel, ce qui réjouit les botanistes et photographes au printemps. La flore alpine traditionnelle (edelweiss, gentianes, lys martagon, ancolies…) côtoie des plantes méridionales comme la lavande fine, le romarin officinal ou le genévrier thurifère dans les secteurs secs au sud du massif . Sur les crêtes ventées poussent des espèces reliques de l’ère glaciaire, telle la pensée du Mont Cenis ou le silène acaule, alors que dans certaines combes abritées survivent des plants de pins cembros hérités des anciennes toundras glaciaires. Parmi les plantes endémiques ou caractéristiques, citons la Vulnéraire (Anthyllis vulneraria), petite fleur jaune utilisée de longue date en liqueur pour ses vertus médicinales – les moines chartreux en faisaient un ingrédient de leur célèbre élixir . La grande gentiane jaune (Gentiana lutea) égaye quant à elle les alpages de ses inflorescences dorées en étoile, et son énorme racine amère est récoltée par des gentianaires depuis plus d’un siècle pour produire apéritifs et liqueurs (Suze, Salers, etc.) . On rencontre également sur le plateau la raiponce orbiculaire, la doradille élégante, la primevère oreille-d’ours et bien d’autres végétaux rares ou endémiques des massifs calcaires dauphinois. Cette profusion témoigne de la rencontre des influences climatiques et de la variété des sols (calcaires secs, éboulis, marnes humides…) qui font du Vercors un véritable jardin naturel.

Depuis la création de la réserve des Hauts-Plateaux en 1985, la biodiversité exceptionnelle du Vercors est scientifiquement suivie et protégée. On y a ainsi réintroduit avec succès le bouquetin (dès 1989) et le vautour fauve, tandis que le loup y est revenu de lui-même. Au total, la réserve (cœur sauvage sans route ni village) abrite à elle seule 738 espèces végétales et une faune alpine dense, ce qui lui vaut d’être qualifiée de « pépite de nature sauvage » par les spécialistes . La cohabitation harmonieuse entre les activités humaines traditionnelles (pastorales, forestières) et cette nature foisonnante est un enjeu majeur du développement durable local. Elle se traduit par une multitude d’actions de gestion concertée (pâturage extensif pour maintenir les milieux ouverts, plans de chasse régulés pour l’équilibre forêt-gibier, suivi des populations de grands prédateurs, etc.) et par une sensibilisation du public. En parcourant les sentiers, le randonneur est invité à adopter les bons réflexes : refermer les clôtures derrière soi, contourner les troupeaux pour ne pas les affoler, ne pas cueillir les fleurs protégées… Autant de gestes simples pour que perdurent la pureté des Alpes et le caractère intact de ce sanctuaire naturel.

Randonnées d’exception : sur les sentiers des sens et de l’altitude

Le Massif du Vercors est un terrain de jeu inépuisable pour les amateurs de randonnées et d’écotourisme en quête de panoramas grandioses et d’expériences sensorielles. Des kilomètres de sentiers balisés – dont de grandes traversées mythiques – permettent de découvrir la diversité des paysages, de la quiétude des forêts d’épicéas aux landes subalpines battues par les vents. Parmi les sentiers emblématiques, la Grande Traversée du Vercors (GTV) offre une immersion de plus de 100 km du nord au sud du massif, tandis que le GR91 suit la ligne de crête orientale face aux Alpes. Mais on peut tout aussi bien opter pour des boucles plus courtes, à la journée, permettant de gravir les sommets majeurs ou d’explorer des sites singuliers.

L’ascension du Grand Veymont (2 341 m) depuis le plateau de Beure fait figure de must pour les randonneurs avertis. Il s’agit du toit du Vercors et le point de vue qu’il offre à 360° est inoubliable. Le parcours, long et relativement sportif, dévoile en chemin toute la palette des ambiances du massif. On quitte d’abord les alpages fleuris du Col de Rousset pour s’enfoncer dans les étendues sauvages de la réserve des Hauts-Plateaux . La forêt de pins et de hêtres laisse progressivement place aux pelouses d’altitude rases, parsemées de lys orangés et de gentianes. Le silence y est seulement troublé par le sifflement d’une marmotte ou le choc des sabots d’un chamois fuyant sur les rochers. Plus haut, à l’approche du sommet, le paysage se fait minéral : éboulis et lapiaz calcaires constituent le domaine des bouquetins qui observent les randonneurs de leurs postes perchés . Le sentier débouche enfin sur la crête sommitale du Grand Veymont, d’où le regard embrasse la totalité du Vercors et bien au-delà : au nord les montagnes de Chartreuse et Belledonne, à l’est les géants des Écrins et du Mont-Blanc à l’horizon, au sud la Provence et le mont Ventoux par temps clair. Du sommet, « le panorama est grandiose » , offrant une sensation de liberté infinie dans l’air cristallin des cimes. Cette randonnée d’environ 6 à 8 heures est souvent citée comme l’une des plus belles des Préalpes, tant pour la variété des paysages traversés que pour l’émotion que procure l’arrivée au faîte de la « montagne aux deux visages » (ainsi surnomme-t-on parfois le Grand Veymont et son jumeau géologique le mont Aiguille).

D’autres sentiers permettent des expériences tout aussi marquantes. Le tour du Mont Aiguille propose, en une journée, d’en faire le tour au départ du hameau de Richardière, passant par le Pas de l’Aiguille – lieu du mémorable déploiement du maquis en 1944 – et offrant des vues sans cesse renouvelées sur cette étonnante table rocheuse surgissant des forêts. Le circuit des Hauts Plateaux (entre Corrençon et Chatillon-en-Diois) plonge quant à lui le randonneur en autonomie complète dans un univers quasi-tadjik, sans route ni habitation, au milieu des pins tordus par la neige et des prairies rases où l’on peut bivouaquer sous la Voie lactée. La nuit tombée, il n’est pas rare d’entendre le brame profond d’un cerf ou le hululement de la chouette de Tengmalm, avant que l’aube ne colore en rose les falaises de la réserve intégrale. Pour les amateurs de sensations fortes, certaines randonnées combinent nature et patrimoine, comme le sentier menant aux Coulmes et aux grottes de Choranche (où l’on découvre rivière souterraine et stalactites), ou encore la célèbre combe Laval, route vertigineuse taillée dans la paroi qui se parcourt à pied, à vélo ou en voiture pour admirer ses tunnels et belvédères suspendus.

Le Vercors recèle également des chemins de mémoire émouvants. Près de Vassieux-en-Vercors, un sentier relie plusieurs monuments et musées rappelant le sacrifice des résistants en juillet 1944. Le Mémorial de la Résistance au col de La Chau, par exemple, domine le plateau où atterrirent les planeurs ennemis, et un parcours balisé permet de rejoindre la nécropole de Vassieux et le musée du Maquis. Cheminer sur ces pas, entre pelouses alpines et forêts de sycomores, est une expérience à la fois contemplative et méditative, où la beauté sereine des paysages contraste avec le souvenir des combats, invitant le randonneur à réfléchir à la résilience du massif et de ses habitants.

À chaque randonnée, c’est une véritable expérience sensorielle qui attend le visiteur du Vercors. Ici, un parfum enivrant de tilleul en fleur dans un village de piémont ; là, la caresse du vent frais chargé des senteurs de résine et de serpolet sur les crêtes ; plus loin, le grondement lointain d’une cascade cachée dans les gorges de la Bourne. Le Vercors se découvre avec tous les sens : on peut goûter l’eau fraîche d’une source karstique jaillissant de la roche, toucher les plis de ses fameuses « pierres à trous » (lapiaz) sculptées par les millénaires, écouter le silence absolu d’une nuit en refuge loin de toute pollution sonore. Cette approche écotouristique privilégie l’immersion respectueuse dans le milieu naturel, à l’opposé du tourisme de masse. Le massif du Vercors, avec son offre de sentiers de tous niveaux, ses refuges accueillants et la passion de ses guides locaux, s’inscrit pleinement dans cette démarche de tourisme durable haut de gamme : offrir du luxe authentique, celui de la nature intacte et de la découverte culturelle, à une clientèle en quête de sens et d’évasion.

Culture locale et savoir-faire : l’héritage vivant des Alpes

Si la nature est reine sur le Vercors, la culture locale n’est pas en reste. Le massif a vu naître des traditions et des savoir-faire spécifiques, souvent liés aux ressources du milieu. Outre le fromage et l’élevage déjà évoqués, on peut citer le travail du bois (bois de noyer et de hêtre transformés en sabots, en mobilier rustique), la distillation de plantes, la récolte de la noix dans le Royans voisin (la Noix de Grenoble, AOP, prospère sur les piémonts du Vercors), ou encore l’artisanat de la laine et du cuir issu des troupeaux ovins. Le terroir du Vercors propose ainsi aux visiteurs des produits de haute qualité, fruits d’un lien intime entre l’homme et la montagne. Fromages fermiers, miel de montagne (parfumé au romarin sauvage ou au rhododendron selon les ruchers), charcuteries artisanales des fermes (caillette du Dauphiné, saucissons secs), liqueurs et sirops de plantes… autant de saveurs qui racontent le paysage. Les marchés hebdomadaires de Villard-de-Lans, de La Chapelle-en-Vercors ou de Die (côté Diois) sont des rendez-vous prisés pour découvrir ces produits authentiques, souvent en agriculture biologique, et échanger avec les paysans et artisans qui perpétuent ce savoir-faire alpin.

Parmi ces savoir-faire, la distillation de plantes de montagne a retrouvé ces dernières années un nouvel essor, porté par la vogue des spiritueux artisanaux haut de gamme. Le massif avait sa tradition d’eau-de-vie locale (le liqueur de vulnéraire, le ginèvre de génépi, ou encore la célèbre Chartreuse élaborée dans le massif éponyme voisin à partir de 130 plantes). Dans le Vercors aujourd’hui, de jeunes entreprises s’inspirent de cet héritage pour créer des spiritueux fins mettant en valeur les plantes alpines du cru. C’est le cas de Héritage des Alpes, une marque fondée par deux passionnés du terroir alpin, Hector Mérindol et Robin Basset, avec l’idée de « capturer l’âme des montagnes » dans un gin d’exception . Cette entreprise locale s’est associée à la distillerie L’Entropie, un atelier de distillation artisanal niché au cœur du Vercors, afin de produire des petites séries de spiritueux reflétant la pureté de ce milieu d’altitude. La distillation est réalisée sur place avec des alambics traditionnels en cuivre, en veillant au respect de l’environnement et à la qualité des ingrédients . Le gin Héritage des Alpes, par exemple, est élaboré en édition limitée à partir de 9 plantes emblématiques du Vercors, cueillies à la main : on y trouve des jeunes pousses d’achillée millefeuille et de reine-des-prés pour les notes florales, et des baies de genièvre et rameaux de pin pour la structure boisée. La vulnéraire locale vient y ajouter un arôme subtil de noix et de noisette, tandis que quelques myrtilles sauvages du Vercors apportent une touche acidulée en fond . Le résultat est un spiritueux haut de gamme, authentiquement alpin, qui évoque les forêts et prairies d’altitude, et qui a su séduire les amateurs éclairés en quête de terroir dans leur verre.

Ce renouveau de la distillation s’inscrit dans une démarche plus large de valorisation du patrimoine naturel et culturel du Vercors. Les acteurs locaux – agriculteurs, artisans, distillateurs, accompagnateurs en montagne – travaillent souvent de concert avec les institutions (Parc naturel régional, collectivités) pour promouvoir un développement harmonieux, respectueux des écosystèmes et des savoir-faire hérités. Le Parc du Vercors a d’ailleurs fait de la notion de « territoire d’exception » son crédo, misant sur la haute qualité environnementale et culturelle comme atout économique. Cette approche porte ses fruits : le Vercors attire une clientèle haut de gamme en quête d’expériences authentiques, qui goûte autant une randonnée au lever du soleil sur les crêtes qu’une dégustation de Chartreuse VEP ou de gin local au coin du feu le soir venu. Le luxe ici n’est pas ostentatoire mais bien expérientiel, ancré dans la richesse du terroir : respirer l’air pur à 2 000 m d’altitude, entendre le brame du cerf dans une forêt séculaire, savourer un fromage conçu dans les mêmes alpages que la vache qui a donné le lait, ou trinquer avec un spiritueux infusé des plantes cueillies sur ces pentes.

En voyageant sur le massif du Vercors, l’amateur de nature, de culture alpine et de fins spiritueux trouve ainsi une terre d’harmonie et d’inspiration. Histoire tragique et vivante, biodiversité foisonnante, panoramas à couper le souffle, traditions préservées et innovantes à la fois – le Vercors conjugue tous ces aspects en un tableau d’ensemble d’une rare cohérence. À la manière d’un long format journalistique, on peut y voir une invitation au voyage intérieur autant qu’extérieur : randonner dans le Vercors, c’est toucher du doigt l’équilibre fragile entre l’homme et la montagne, c’est ressentir la force tranquille des Alpes françaises tout en dégustant les saveurs uniques qu’elles inspirent. Un patrimoine d’exception, un Héritage des Alpes vivant, que ce massif transmet à qui prend le temps de l’écouter, de le contempler et de le célébrer.

Bibliographie

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